2012 Avril

Sous la tempête de neige se cache le simillimum

de Jean-Jacques Demarteau

Quelle que soit la source d'information vers laquelle on se tourne, tous les auteurs sont d'accord, pour dire et redire, que l'important en Homoéopathie, c'est de chercher la souche qui correspond le mieux à l’image de notre patient et non à la maladie ou aux symptômes qu’il présente. C'est là un concept que l'on retrouve dans tous les Traités d'Homoéopathie depuis l’Organon. Le problème qui se pose alors est le suivant : comment « appréhender », le plus étroitement possible, et surtout le plus exactement possible le simillimum?

À travers mon approche personnelle de l’homoéopathie, notamment à l’aide de l’histoire familiale et le décodage des principaux « conflits » ou problématiques qui ont pu atteindre l’individu, j’ai pu remarquer que la sélection finale du remède provenait toujours du suivi d’une ligne conductrice qui se répétait tout au long de la ou des consultations. Il est en effet courant pour chacun d’entre nous de s’entendre dire: « Mais vous m’avez déjà posé la question », lorsque l’on cherche une modalité ou une idée que nous avons repérée dès la première interview. En général je réponds simplement: « Mais c’est toujours la même personne que j’ai en face de moi lorsque vous venez consulter! » Au delà ce cet aspect somme toute assez normal, il m’est apparu que la façon qu’utilise l’individu pour décrire son mode réactionnel ou les sensations qu’il exprime est toujours identique, quelque soit le sujet duquel il est en train de parler. Les « gestures » ou les expressions de langages sont toujours identiques et peuvent être repérées suivant une espèce de « fil rouge » où les mêmes teintes se dégagent.

À l’image d’une corde à noeuds, le discours ou les postures dans une interview nous présentent des 
« évènements », des détails parfois, qui apparaissent dans des contextes très singuliers, mais qui sont constants; à nous de savoir les remarquer, les suivre et les interpréter.

En utilisant la technique des sensations de Sankaran par exemple, on peut voir surgir des sensations spécifiques d’un évènement, traumatique ou non, qui vont nous orienter par exemple sur le règne voire le miasme. Pour être capable de les valider, il est simplement nécessaire de les dissocier de leur contexte initial pour voir si elles affichent une certaine constance. Cette « signature » de l’état émotionnel, de cette sensation, de ce caractère, nous allons la chercher pour la faire gagner en détails, en profondeur. Lorsqu’un mot apparait, en guise d’image pour décrire une sensation; par exemple le mot « fenêtre » ou le verbe « frapper », il suffit d’orienter le discours autour de cette expression ou symbole pour que le patient le fasse sortir de son contexte d’origine. Ensuite, et sans induire de réactions, sans attente de notre part, l’individu va associer cette image ou ce symbole avec d’autres aspects de son histoire, de son caractère.

Avant de se jeter dans un répertoire avec le mot ou l’image, il est important de laisser le temps au patient d’aller plus loin dans sa propre recherche de sensation avec ce point de départ. Le mot ou l’image qui sortent initialement sont toujours liés à une trace, une empreinte inconsciente, issus d’un contexte précis mais souvent filtrés par un jugement conscient ou logique. En incitant le patient à « creuser » autour de cet élément, en l’aidant à le dissocier de la source, on va le voir arriver à nouveau dans d’autres contextes. Plus cet élément est incongru ensuite, plus il nous surprend, plus on peut lui accorder objectivement de la valeur; il a perdu son aspect logique et on peut savoir de fait qu’il n’a pas été passé au filtre du conscient de l’individu.

Le patient va «s’enfermer» ensuite tout seul dans cette sensation et la faire réapparaître au long du discours, cela peut être représenté par les noeuds du « fil rouge » du schéma cidessus. Pour ce qui nous concerne en tant que praticien, il s’agit alors de ne pas rater les différentes cibles qui nous sont proposées, autant de chances de «révéler» le remède! Saisir au vol ces chances d’attraper le simillimum ou la piste qui peut nous y conduire, est bien entendu une affaire d’expérience, mais il est assez simple d’y parvenir, en dépassant soi-même le filtre conscient de la première impression. En effet, c’est bien l’incongruité de l’expression (frapper sur la table par exemple alors que l’on parle d’un chagrin, ou utiliser un mot « doux » pour exprimer une situation violente) qui nous intéresse. Comme un lapsus devrait retenir toute notre attention, le mot « fenêtre » qui arrive dans un discours qui n’évoque pas l’enfermement ou la réclusion doit être utilisécomme point de départ d’une dissociation pour aller plus en profondeur. À partir de cette expression, le discours pourra nous sembler irrationnel et c’est là tout son intérêt, car l’individu exprime alors tout simplement, sans contrôle, qui il est.

À l’aide de procédés simples pour aider à l’idéation ou à l’imagination, pour faciliter l’expression, nous pouvons demander au patient d’impliquer les cinq sens dans sa description, et, si nous voyons alors arriver des « comme si... », qui s’en plaindra!
- « Ce serait un peu comme une fenêtre ouverte sur mon avenir... »
- Vous pouvez sentir quel parfum par cette ouverture?
« Non, c’est une expression pour décrire le bon moment pour agir, une fenêtre de tir... »
- Que pouvez vous voir par cette fenêtre?
« La vitre est très grande, c’est très lumineux... »
- On peut vous voir par cette ouverture?
« Mais il n’y a personne, c’est la campagne et les montagnes dehors... »
- Est-ce qu’un tireur pourrait vous atteindre?
« Bien sûr, je suis à nu derrière cette fenêtre!, comme si j’étais transparent... » 

C’est la fenêtre qui est transparente et lui qui se sent transparent, ce n’est pas logique; à partir de cet élément «incongru» on peut repartir sur une nouvelle sensation, chercher une nouvelle émotion, une nouvelle sensation, une nouvelle source. C’est peut-être là que l’on va voir que la source est toujours la même! Quand l’expression de cette sensation issue d’une image ou d’un mot n’est pas facile - et ce n’est pas si rare! - il peut être également astucieux de solliciter la description à partir du contraire.

Si on s’aventure à utiliser une métaphore pour décrire ce procédé, c’est un peu comme si cet espèce de saut, ou d’atterrissage, dans le monde de la conscience d’évènements passés, enfouis, se faisait en utilisant l’énergie de la source, avec des tonalités qui nous parlent de la qualité de cette source. Lorsque la souche est reconnue, il ne reste plus qu’à voir précisément les liens à établir avec le profil clinique; il est alors bien rare que les informations de la matière médicale soient en dissidence avec les symptômes réels du patient.

L’énergie qui a été dépensée pour faire passer la sensation du côté gauche de la figure ci-contre jusqu’à l’autre bord du pont est fortement empreinte de cette source. Ce n’est pas une énergie de compensation ou d’adaptation, mais la réelle ressource que l’individu pourra utiliser pour curer son ou ses symptômes. Le contact avec cette ressource est à mon avis ce que permet le remède homéopathique.

Tout au long de l’histoire de l’individu lui-même ou celle de sa famille, de chacun des noeuds peuvent « surgir » un signe, des résurgences de ces traumas sous la forme d’éléments apparemment inintelligibles, en provenance de l’inconscient individuel ou familial. Même si les symptômes sont différents au cours de l’histoire du patient, s’il les exprime avec toujours les mêmes sensations, nous pouvons conclure que ce sont les traces de son simillimum.

En pratique, il existe un joli moyen de trouver un point de départ à cette démarche; par exemple j’ai pour habitude, à un moment donné, de demander de formuler, voire d’écrire, « la petite phrase de l’enfance ». Cette phrase que l’on nous disait enfant, et qui soit nous rassurait, soit nous agaçait terriblement. En fonction de qui la prononçait, de comment nous l’avons en tant qu’adulte retenue ou déformée, elle est une puissante indication de l’inconscient familial. C’est un message que l’on a voulu nous transmettre pour nous prévenir d’un danger, pour nous rassurer, sans savoir vraiment l’étendue des conséquences sur notre psyché (ou sur la création des miasmes), et surtout sur la façon que nous avons de l’appliquer dans notre vie ou bien alors de s’en défendre.

Transporter les éléments enfouis dans notre histoire inconsciente vers notre appréciation consciente est l’affaire du psychologue ou du psychanalyste; ce précieux moyen d’action est aussi à notre disposition, pour peu que nous puissions y associer un traitement homéopathique correspondant. Les démarches actuelles qui tendent à ne considérer que la rubrique « mind » de la matière médicale sont par trop imparfaites, mais sans s’éloigner de la clinique et de la réalité factuelle du patient, faire émerger l’image complète du remède, en respectant (valorisant) chacune de ses rubriques reste un but qui nous est commun. Les moyens mis à notre disposition dépendent de notre ouverture d’esprit, et en cessant de ne considérer l’humain  qui est en face de nous que comme un cas correspondant aux lignes d’un tableau de répertoire, la consultation trouve son plein potentiel humaniste.

Par le passé, mon attitude thérapeutique, qui est devenue ma technique de travail, pouvait paraître comme farfelue, brouillon; certains patients pouvaient sortir complètement « déboussolés » par les chemins qu’ils avaient empruntés, par les non-éclaircissements qu’ils avaient obtenus à la fin de la consultation. Cet apparent manque de logique, ces dissociations successives, un peu comme en secouant la boule de neige de notre enfance, sont en fait autant de chances d’apercevoir des parties cachées, inconscientes dans le discours de mes patients. Saisir alors le moment où le toit apparait enfin vierge de sa couverture « neigeuse », comme Galanthus au printemps, devient le but ultime, l’instant où un rayon de soleil illumine la texture des tuiles.

                                                                                   

Méthode de travail librement inspirée des enseignements de Rajan Sankaran and Divya Chhabra

 

 

 

Catégories: Général
Mots clés: Simillimum, histoire familiale, décodage des symptômes, ligne conductrice
Remèdes:

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sous la tempête de neige...
Reply #3 on : Thu April 12, 2012, 18:52:57
! Le livre sur la dianétique recommandé par Jean-Luc est le livre de base de la scientologie, par ailleurs classée comme secte en France et en Belgique...

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Re:
Reply #2 on : Fri April 06, 2012, 08:51:13
bravo pour le magnifique travail que vous avez réalisé... mais savez-vous que la Dianétique, développée dès la fin des années 1930 et jusqu'en 1950 a fait également ce travail et plus encore en détail, mettant à disposition une méthode simple, parfaitement structurée et efficace.
Je vous conseille la lecture de "La dianétique: science moderne de la santé mentale".

Cordialement
Jean-Luc

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Jean Jacques Demarteau
Reply #1 on : Mon April 02, 2012, 21:35:45
Je dirais que jusque là, je n'ai jamais rien lu d'aussi clair et complet!
Last Edit: April 03, 2012, 06:53:40 by *