2013 Avril

Je danse pendant des heures: cas et MM de Limenitis bredowii

de Danièle Joulin

Jeune fille née en 1990. Je la connais depuis 1997, au départ pour de nombreuses bronchites asthmatiformes. A partir de 2002, elle démarre de violentes migraines plus ou moins en lien soit avec des sinusites, soit avec l’effort intellectuel (très bonne élève, se met la pression car elle veut être vétérinaire). A partir de l’hiver 2003-04, début d’acrocyanose, maladie de Raynaud des mains et pieds.

Belle grande jeune fille, qui malgré ses extrémités sensibles au froid est en ballerine sans chaussettes en hiver… En reprenant le dossier, j’ai noté : en 2006, ses parents décident de déménager d’Agde à Villeneuve sur Lot alors qu’elle est en 1ère bien intégrée à la fois au lycée et dans son club d’équitation. « Je n’arrivais plus à me retrouver. Plus savoir où j’étais. J’étouffais le soir, j’avais besoin d’ouvrir les volets. Je ne savais plus qui j’étais, je pensais que je ne représentais rien dans l’univers… Après la mort ? On est tout petit. C’est un passage ; une sensation dans le ventre qui coupe le souffle ; c’est trop court et trop long. Si le temps est gris, je me sens enfermée. J’ai du mal à me concentrer, je me sens décalée du monde. »

12/2007 : elle revient pour une sinusite qui dure depuis 2 mois. Elle a changé de lycée en cours de 1ère. « Je me demandais ce que je faisais là, à quoi ça sert la vie, je ne comprenais rien aux cours. Je ne savais plus qui j’étais, je me retrouvais seule, j’avais besoin d’aide sans pouvoir en demander. » Problèmes relationnels : « Plus j’aime quelqu’un, plus je suis méchante, je le mets en lien avec mon père qui me donnait des claques ; exigence de mon père et de moi pour moi-même. En attente de reconnaissance par mon père. » Elle doute sur ses désirs : « Je veux être véto pour moi ou pour leur faire plaisir ?  Je veux essayer de plaire, de concorder avec ce que les gens attendent. »

Rêve : d’être poursuivie et de s’en sortir.        
« Que je plonge et je ne retrouve pas le bas du haut, absence de gravité, sans me noyer.    
On est perdu, tout seul, dans un petit monde avec que soi même. Faut se débrouiller, aucun son, aucun bruit, pas parler, on ne peut que penser dans sa tête. Petit monde ? On n’a pas mal. On ne peut rien donner et rien recevoir. Mais il faut en sortir. Même si  on est en sécurité, il ne faut pas rester là. Comme sous ma couette au chaud du lit et en même temps perdue, on ne trouve pas d’aide, pas d’échange, faut quand même respirer un jour. J’ai besoin des autres, toute seule je suis perdue. »

Adore rester dans la mer à flotter. La mer c’est immense, on peut aller en haut, en bas.
Animal préféré : la baleine à bosse.
Toute seule, adore danser : « Quand je suis seule à la maison, je mets de la musique et je peux danser pendant 2 heures toute seule. » Adore jouer.

                                                                                                   

Prescription : j’ai essayé Lac delphinum avec la notion de sinusite en plus. Sans résultat.

Je la revois en octobre 2010. Elle est revenue faire des études à Montpellier. Elle voulait faire véto mais n’a pas eu le niveau en terminale à cause de ses problèmes de santé. Fait un BTS par défaut, elle a peur de retomber malade et donc ne veut pas envisager de concours. Elle a été opérée des cornets ; maintenant, elle respire même si elle est malade. Mais depuis, elle a des douleurs partout, surtout des orteils, des épaules. Douleurs comme des impatiences très fortes qui irradient vers les bras, les jambes, elle ne peut que se rouler en boule dans son lit. Aggravée aux changements de temps. Quelquefois, c’est la chaleur qui améliore, d’autre fois, c’est le froid. Les doigts sont gonflés, parfois froids et bleus, plus ou moins améliorés par l’eau froide, elle met ses pieds sur le carrelage, car la chaleur l’aggrave encore plus. Sous anti-inflammatoires toute la journée.

Elle avait arrêté le sport sauf le cheval, jusqu’à ce que ses parents vendent sa jument dans son dos. Quand elle l’a su, elle est restée prostrée 1 h et n’a rien dit à ses parents. Avec le cheval : c’est un niveau d’entente, de confiance. « Les parents ne sont jamais là quand on a besoin d’eux ; ils sont lointains, en contemplation lointaine ; ils se sont détachés et nous aussi. » Elle s’est rapprochée de sa sœur qui a fait 3 TS. « Ils deviennent dangereux pour nous, je ne peux plus accepter une critique de leur part, je suis plus adulte qu’eux. Je me heurte à des murs à chaque fois. »        
A eu un petit ami 9 mois : « Je plais mais j’ai du mal à m’attacher. En général, je ne le supporte plus au bout de 2 mois. »

Prescription : Secale

En Janvier 2011, gros épisode de rhino sinusite avec une toux comme une coqueluche. Avec Secale : beaucoup moins de douleurs, elle a pu diminuer les quantités d’anti-inflammatoires ; mais elle fume aussi des joints. Le moral est meilleur, elle apprécie plus sa classe, décortique moins ce que les gens disent, se prend moins la tête. Elle a eu une discussion avec ses parents sur leur décision de déménager et de vendre la jument.

« Il y a une différence entre ce que je suis et ce que je montre : j’en ai marre d’avoir toujours une carapace, je me sens fragile. Quand je prends une pique, il faut que je refasse le mur et que je renvoie. Et quand je suis malade, je peux me reposer (malade veut dire être sous la couette). Je n’en veux pas à mon père, je suis plutôt dans : "Tu me manques". »

« Au fond, il y a celle que je suis depuis le début, qui suit tout et il y a celle de l’extérieur, qui fait face à tout, garde son calme. Il y a la petite fille, et celle qui analyse tout le temps pour dire ce que la personne attend, pour que ça se passe le mieux possible. »

Le mur ? Une carapace. Les choses s’arrêtent sur le mur, tout s’y inscrit, mais ça ne me touche pas, je peux le lire. « Comme une carapace d’insecte, noire, de scarabée ». Quand je suis sous la couette, c’est fini, je me déconnecte du reste. »

Rêve : comme dans un film, des histoires construites. « Que je suis poursuivie avec telle ou telle chose élaborée pour s’en sortir, comme un labyrinthe. »

« Le déménagement a été comme une cassure. J’ai été obligée de construire ce mur très vite, avec des fondations fragiles, dedans c’est tout fragile, il y a une façade qui gère, le reste n’a pas suivi. » Je suis mature et immature à la fois.

Prescription : Thuya

Revue en Avril 2011 : peu malade sur les 4 mois, sans traitement. N’a pris des anti-inflammatoires que quand le temps était très humide. Pas de sinusites ou de migraines, mais cicatrise mal, les pieds sont bleus et gonflés, les mains rouges et gonflées. Pendant le traitement, « je me suis retrouvée sans carapace, comme un Bernard Lhermitte, sans coquille, j’étais chiante, irritable. » A la moindre remarque, elle pense : « Ils ne m’aiment pas, je suis conne. » Je doutais de tout, je ne savais plus comment m’habiller, quoi dire… je pleurais sans raison. Ma colocataire m’a dit : « Tu joues des rôles. » Et j’ai pris conscience que je posais une image pour être aimée.

Prescription : Sabina (toujours les conifères), sur la répertorisation pieds froids, > par le froid, règles en caillots. 
       
Septembre 2011, aucune amélioration, si ce n’est sur : moins dans l’apparence, moins à prouver ; « Je peux me taire et écouter. » Relation amoureuse difficile, qu’elle décrit comme « dominant/dominé » ; « J’ai besoin d’aimer quelqu’un qui puisse me faire du mal. »

Je la revois en février 2012, elle n’a pas pris le traitement de septembre à cause d’une grossesse. A du faire une IVG médicamenteuse qui s’est compliquée d’une rétention d’œuf mort avec de violentes douleurs. « C’était quelque chose de viscéral, j’aurais pu bouffer tout le monde. Qu’est-ce qu’on regrette que ce ne soit pas le bon moment. » Avec les douleurs, elle hurlait, insultait, elle avait envie de se jeter par la fenêtre. Re-aggravation des problèmes circulatoires. Fatiguée mais ce sent plus sereine, pas de regrets, mais beaucoup de questions sur les conséquences de ses actes.

Prescription : Chamomilla puis Secale si besoin.

Revue en juillet 2012. Elle a fait 2 grosses bronchites. Elle a réussi son BTS avec mention. Elle a rompu avec son ami, m’a avoué qu’il l’avait même frappée et l’avait laissée avec ses douleurs.

Sensation que c’était mieux quand elle avait sa carapace. « Il cherchait à me casser. » Á quel moment va-t-elle craquer ? Elle part à Dijon ou Reims pour des études d’œnologie.

Elle reparle de la carapace : « On écoute tout ce que les gens vont dire, les critiques. Comment susciter la tendresse ? Je donne et je n’ai que la guerre. En amitié, c’est la joyeuse rigolade. En amour, je n’arrive pas à m’ouvrir, je me défends trop avant. J’ai besoin de carapace à la maison, au sujet de la jument, de l’IVG, des TS de ma sœur, des conflits des parents. »

Rêves super violents : elle est une spectatrice impuissante de tortures faites à d’autres. « Je suis attachée, je ne peux rien faire et on met le feu à une église où des gens sont enfermés. » Fantômes que l’on ne peut pas tuer, qui prennent les gens pour les noyer. Elle sait comment être sauvée mais le dit à celle qui est devant elle. Et là, je répertorise et à la rubrique “rêves de torture“, il y a Limenitis  et tout s’éclaire !

                                                                                            

Prescription : Limenitis

Je l’ai revue en Sept 2012 : très bon été, plus sereine. « J’ai lâché sur le "cocon", je n’ai plus de carapace, j’arrive à me protéger sans me fermer ; sans faire semblant que ça ne m’a pas touchée. » Faire le tri, ne pas tout prendre. Beaucoup plus ouverte. A un nouvel ami, relation plus simple : « Si on ne se voit pas, il n’y a pas de prise de tête. » Elle a pu discuter avec sa mère : « Je t’en veux, tu n’as aucune ambition personnelle. » (Mère mariée à 20 ans qui ne vit que pour son mari). « On peut se construire sans s’identifier à sa mère. » Physiquement : elle a perdu 6 kg (en plus, travail saisonnier), il reste des douleurs dans le dos et les jambes pendant les règles et à l’humidité. Elle avait des douleurs au plexus (geste de poings serrés) qui sont parties avec Limenitis. « Je n’ai plus besoin de carapace, j’ai plus d’assurance et de sérénité. »

Conclusion

Après avoir travaillé sur le livre de Patricia Le Roux, je peux retrouver au fil des consultations et de ses paroles des éléments pour les remèdes papillon.

Elle relève plus d’un remède animal avec clairement expliquées les relations dominant/dominé. Il y a le goût pour la danse : elle danse seule pendant des heures, la franche rigolade avec les amis, elle est très jolie et s’habille avec goût, et son « apparence » lui importe au point qu’en déprime post-IVG, elle ne savait plus quels vêtements choisir. Il y a la notion d’être seule, abandonnée. Père exigeant, qui donne des claques mais elle ressent « tu me manques. » Il n’y a pas de communication, et encore moins avec sa mère qui suit son mari en tout. Je pense qu’on peut associer le « tu joues des rôles » avec la notion de métamorphose. Elle m’a parlé de sa carapace pendant plusieurs années. Elle a été très mal de me « l’avouer », comme si elle perdait cette protection, c’est ce qu’elle m’a dit à la consultation suivante. Le fait d’être bien seulement sous la couette autant moralement que physiquement fait aussi penser au cocon. Elle parle d’elle aussi comme d’une petite fille qui rejoint le thème de « se sentir un bébé. »

Je pensais que ma prescription de Limenitis était le papillon par défaut, je n’en ai pas d’autre. Mais après les constatations de P. Le Roux, c’est celui qui semble convenir le mieux : les parents qui déménagent sur un coup de tête dans un autre coin de France sans leur demander leur avis alors que les 2 filles ont 13 et 15 ans, et en plus les laissent seules chez des amis ou de la famille pour la rentrée et pendant un trimestre, parce qu’il faut finir de régler les problèmes administratifs et professionnels sur leur ancien domicile… Cela fait penser à ce papillon qui pont ses œufs n’importe où les laissant à la merci des prédateurs.

En tenant compte d’une discussion sur internet au sujet d’un cas Limenitis, je pense qu’on peut voir aussi cette incapacité qu’elle avait à parler à ses parents : elle était prostrée quand ils lui disaient qu’ils avaient vendu sa jument, qui était son compagnon « d’entente et de confiance ». Depuis le traitement, elle parle, dit « stop » à son père, pour pouvoir finir de dire ce qu’elle a à dire ; elle a exprimé ce qu’elle avait sur le cœur à sa mère.

Sur le plan physique on retrouve les problèmes de douleurs  et de froideur des extrémités, les sinusites, les céphalées.

Il est question de désir de vin chez les Papillons, elle fait des études d’œnologie. Les problèmes de cicatrisation difficile ont été notés dans le proving de Nancy Herrick, ainsi que le sentiment de ne pas être au bon endroit et le désir d’être couché.

Matière Médicale d'Adelpha bredowii selon Patricia Le Roux

Leur nom est Adelpha bredowii pour les anglo-saxons; sister california ou sister arizona.        
Ils vivent dans les chênes de Californie et de l’Oregon, sont quasi-invisibles sur l’écorce des arbres, rarement sur les fleurs dont ils ne peuvent absorber le nectar.        
Adulte, il présente une tache orange sur le bout de chacune de ses ailes et une bande blanche qui traverse le brun de sa couleur de base. Le dessous des ailes est bleuté, ou en accord avec la couleur des feuilles mortes.        
Les œufs sont placés à découvert, en état de vulnérabilité totale. Les larves et cocons se camouflent par leur couleur et leur imprégnation par les alcaloïdes des feuilles de chêne dont ils se nourrissent (indigestes pour les oiseaux); c’est là leur seule protection. Les chenilles se construisent un habitacle, comme une tente enroulée qui les protège du froid. Au stade du cocon, il se construit une maison qui reste suspendue jusqu’à l’éclosion.

Symptômes clés pédiatriques

Se sentir bébé, enfant et adolescent. Ils se sentent petits, fragiles et exposés. Sentiment d’abandon, ce papillon ne se sent plus protégé par l’adulte, mais abandonné à la proie des prédateurs, sans aucune forme de protection.

Se sentir enfant non protégé par les adultes. Les adultes l’ont trahi et abandonné. Dépression larvée ou cachée.

Sexualité. Importante chez ce papillon.

Sens du corps et sensualité. Ils sont beaux et esthétiques, recherchent le raffinement des couleurs et des vêtements.

Sentiment amoureux. Vie amoureuse dense et diversifiée. Mais chez Limenitis, elle est caractérisée par une stabilité et une recherche d’harmonie familiale dans le respect du père, de la mère et du noyau familial.

Mère, père, famille, la maison. Liens privilégiés avec ses proches. La maison est un endroit sacré, qui ne doit pas être touché.

En conclusion

       
Peut être prescrit dans les cas de fort sentiment d’abandon, chez les jeunes souffrant de lâcher-prise parental, de parents qui ne veulent ou ne peuvent plus leur donner le sens de protection.        
Ils sont caractérisés par une grande fidélité et un attachement à la maison.

Expérimentations


Limenitis bredowii
par Nancy Herrick en 2001. La sœur californienne.
Observation : l’impression qui en est ressortie est celle d’un état d’adolescence non protégé. Ils ont la sensation que même s’ils les aiment, leurs parents ne les protègent pas assez. Ils ne sont pas guidés et se sentent anxieux. Ce remède peut aussi aider les parents qui ne veulent pas établir des limites de sécurité ou de règles pour leurs enfants.        
 

Thèmes

Se sentir bébé, enfant ou adolescent, mais le besoin d’être guidé par les parents est absent ou décevant. Ceci provoque de l’angoisse. Mais il y a aussi un désir de liberté des enfants.

Se sentir non protégé par les adultes : « Ne savent-ils pas qu’il est dangereux de se trouver là ? »

Pas dans la réflexion: incapacité et aversion pour le travail mental. Préfère vivre de façon émotionnelle ; se sent clivé du monde de la pensée.

Sentiment amoureux : c’est le cœur qui est ouvert. Sens profond de la compassion. Il aime à un niveau global. Les relations sont tout pour eux. Les interactions sont souples, il n’y a pas de conflit ou de prise de tête. Aime sa famille.

Mère, père, famille : la mère manque de façon douloureuse, triste et en colère, elle apparait d’une façon ou d'une autre. Elle est capable de sortir un vieux chapeau qui a l’odeur de sa mère.

La maison : attachement à la maison qui est le symbole de protection que recherche Limenitis.

Mots-clés de l’expérimentation de Nancy Herrick
Etre un bébé, un enfant et particulièrement un adolescent qui se sent non protégé par les adultes. Dans l'émotion et pas dans la réflexion. Sexualité, conscience du corps/sensualité. Sentiments amoureux. Mère/père/ famille. Bâtiments.

Photos: Wikimedia Commons
Humpback whale ; Wanetta Ayers
Limenitis lorquini: Calibas

Catégories:
Mots clés: papillons, abandonnement, manque de protection, danse, enfantin
Remèdes: Limenitis bredowii

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