2013 Septembre

En colère et violente: le cas d'une jeune fille destructrice

de Deborah Collins

« Anna » était âgée de douze ans lorsqu’elle vint pour la première fois accompagnée de sa mère, mais elle avait déjà été sous traitement homéopathique, une bonne partie de sa vie. Sa mère avait même démarré des études d’homéopathie, afin d’aider à trouver quelque chose pour sa fille,  la situation devenant complètement  incontrôlable. J’étais prévenue car j’avais souvent entendu  son homéopathe précédent  parler de cette « enfant-démon » 

pendant des années. J’avais donc mis de côté tout ce qui pouvait casser ou avoir de la valeur dans mon cabinet. Anna s’était assise à côté de sa mère, manifestement furieuse d’avoir encore été trainée chez un autre thérapeute. « Ce n’est pas moi, ce sont mes parents. Ma mère est terrible, elle ne nous fait manger que de la nourriture de prison. » En l’écoutant parler de ses parents, on aurait pu penser que cette fille avait été battue, affamée et tourmentée de toutes les façons possibles. Cependant, sa mère était l’une des femmes les plus douces et les plus patientes, que j’aie jamais rencontrée, faisant tout son possible pour aider sa fille ainsi que toute sa famille, qui souffrait beaucoup du comportement de la jeune fille.

Tout devait se passer selon la volonté d’Anna, quand elle le voulait et comme elle le souhaitait, sans tenir compte des autres. Par exemple, si elle avait quelque chose en tête,  il fallait qu’elle l’obtienne, coûte que coûte, sinon elle piquait une énorme colère, où qu’elle se trouve, jurant, maudissant et attaquant les gens, frappant tout ce qui était à sa portée. Elle était connue pour démolir tout ce qui lui tombait sous la main : télévision, ordinateur ou vaisselle. Dans ses accès de rage, elle tirait sur la nappe de la table, mettant à terre le repas familial, tandis que les autres enfants criaient et pleuraient. Sa mère m’avait écrit : « Chaque fois que je disparais dans une autre pièce, elle déchire tout mon travail. Elle ne veut rien entendre, mais en même temps, me reproche de ne pas l’aider. Avec elle, c’est comme si la situation n’avait pas d’issue. Elle a écrit des horreurs au feutre permanent sur mon bureau, déchiré tous mes blocs-notes, vidé mon rouleau de scotch, toutes mes agrafes et mis de l’encre sur les timbres. »

Elle était tellement obstinée, que ses parents finissaient par céder, même à ses demandes les plus coûteuses ou les plus excessives. Elle avait répété pendant des années, que si seulement elle pouvait avoir un cheval, elle serait heureuse, et ses parents avaient fini par lui en acheter un. Anna s’était retrouvée à passer tout son temps avec son cheval, qu’elle préférait de loin aux filles de son âge : « Elles sont toutes méchantes ! » Lorsqu’elle se faisait des amies, elle finissait toujours par se fâcher avec elles. À l’école, elle n’y arrivait pas, et avait fini par être scolarisée à la maison, mais la plupart du temps elle paressait et restait au lit, prétendant être « trop fatiguée » pour faire ses devoirs.

En revanche, elle avait toujours du temps et de l’énergie pour son cheval ; elle passait des journées entières avec lui, négligeant tout le reste. Elle exigeait le meilleur pour lui: la meilleure nourriture, la meilleure écurie, la meilleure selle, sinon elle se mettait de nouveau en colère. Un jour, alors qu’elle revenait à la maison avec sa mère, après avoir été acheter du fourrage pour le cheval, elle piqua une crise sur l’autoroute, hurlant et tirant les cheveux de sa mère. « Tu n’as pas acheté la nourriture qu’il fallait ! Ce n’est pas assez bien ! Tu affames mon cheval ! » Sa mère essaya de lui expliquer que « la bonne nourriture » était en rupture de stock, mais que ce qu’elles venaient d’acheter convenait tout à fait. Cela ne fit qu’empirer les choses, Anna tira les cheveux de sa mère jusqu’à ce que celle-ci fut sur le point de s’évanouir de douleur et de perdre le contrôle de la voiture.

Anna était également très difficile pour sa propre nourriture. Elle ne voulait pas manger à l’indienne, bien que sa famille fusse d’origine indienne et sa mère une excellente cuisinière. Elle pouvait exiger par exemple 10 Big Mac, en manger une bouchée, puis jeter le reste. « C’est comme si elle essayait juste de nous tourmenter en permanence, rien de ce que nous faisons ne lui convient jamais, et elle nous tient tout le temps responsables de sa mauvaise humeur. »

Pendant ce temps, elle se mit à grossir,  les médecins diagnostiquèrent alors des problèmes de thyroïde. Sa peau était grasse, couverte de boutons, ses selles nauséabondes. Son hygiène personnelle était désastreuse, car elle refusait de prendre bain ou douche. Personne n’osait toucher la nourriture sur laquelle elle avait posé ses mains. Elle se grattait en permanence, se curait le nez et les fesses, au grand dégoût de ses frères et sœurs.

La relation avec son père était extrêmement tendue et toute demande de celui-ci à son encontre, finissait par une bagarre entre eux deux. À ce sujet, elle déclarait : « Si je fais ce qu’il dit, c’est comme si je cédais et alors j’aurais perdu la bataille. » S’il déplaçait quoique ce soit concernant son cheval, ça devenait infernal, comme s’il avait personnellement abusé d’elle.

L’histoire de cette famille était assez édifiante. La mère d’Anna m’avait décrit, plus particulièrement, l’histoire des parents de son mari. Ils étaient nés en Inde, mais avaient déménagé aux îles Fidji, afin d’améliorer leur situation financière. Mais une fois là-bas, tout était tombé de Charybde en Scylla. Ils étaient traités en esclaves, devant quémander même pour de petits boulots mal payés, vivant dans la misère. Le mari, maltraité par son patron, battait à son tour sa femme lorsqu’il rentrait à la maison. Celle-ci avait auparavant déjà était battue par son propre père, en Inde. Le mari battait également leur fils, le père d’Anna, qui en conserva un profond ressentiment.

Le père d’Anna réussit à se sortir de cette situation, en épousant une femme aimante et attentionnée, d’origine également indienne et en fondant une famille. Il se mit à travailler très dur et réussit très bien, tout en souffrant de sa colère refoulée.

La mère d’Anna comparait souvent sa fille à sa belle-mère : « Elles sont toutes deux tellement obstinées. Personne ne fait jamais rien qui les satisfasse. Elles ont les mêmes accès de rage, et portent toujours la responsabilité sur quelqu’un d’autre. »

Étant donné le grand attachement d’Anna à son cheval, je commençais par lui donner une dose de Lac Equinum 200 CH. Son comportement me faisait penser à celui d’un cheval  devenu fou, après avoir été maltraité, battu et fouetté. Elle se calma immédiatement, s’entendant beaucoup mieux avec ses frères et sœurs et se mettant à faire ses devoirs de classe. Sa mère remarqua qu’elle avait retrouvé son sens de l’humour et l’envie de jouer : elle plaisantait de nouveau au lieu de grogner et demandait à sa mère de pouvoir se blottir contre elle. Son « obsession » du cheval diminua ; elle n’avait plus besoin de passer tout son temps avec lui et ne se mettait plus en rage au sujet de son traitement. Mais il restait encore quelques points d’ombre. Elle était toujours très difficile pour sa nourriture et refusait de se laver. Elle continuait à se battre avec son père.

C’est son habitude d’exiger des choses qu’elle rejetait ensuite, qui me mit sur la piste du remède suivant, peut-être celui dont elle avait toujours eu besoin : Cina, en dynamisations croissantes. À la suite de la première dose, elle expulsa beaucoup d’oxyures et s’arrêta de se curer le nez. Son comportement continua à changer progressivement et elle put envisager de retourner à l’école, plutôt qu’être scolarisée à la maison. Ceci posa de nombreux problèmes, car elle se sentait facilement persécutée et incomprise. Il devenait plus facile de la raisonner pour qu’elle fasse ses devoirs, bien qu’elle le fit toujours contre son plein gré et avec la peur de ne pas réussir. La répétition du remède dans le temps permit de calmer la situation à la maison et à l’école, au grand soulagement de tous. Malgré cela, elle refusait toujours de se laver et continuait à se confronter à son père. C’est finalement  Ammonium carbonicum, qui permit de régler la situation. Selon Jan Scholten, ce remède correspond au « ressentiment à l’encontre du père » qui s’accompagne du fameux « manque d’hygiène ».

En deux ans, Anna est passée de l’état d’ « enfant démon » à celui d’une jeune femme amicale, qui a des amies et s’entend bien avec ses frères et sœurs. Son problème de thyroïde s’est normalisé.

Dans ce cas, la dynamique familiale était l’aspect le plus important. On pouvait en effet se demander comment une jeune fille avec des parents si aimants pouvait se comporter de la sorte… Jusqu’à ce qu’on prenne en compte la situation de sa grand-mère, à laquelle elle était si souvent comparée. Celle-ci, battue dans son enfance, puis dans sa vie adulte, rabaissée, humiliée, amenée à vivre dans des conditions misérables, tout en travaillant dur, portait en elle une rage rentrée. Il semblait que celle-ci ait été transmise à son fils, qui l’avait canalisée en travaillant beaucoup et en grimpant les échelons du succès. Mais c’est Anna, qui l’avait exprimée, et qui se comportait comme si c’était elle-même qui avait été battue et tourmentée. On peut dire qu’Anna portait la souffrance de cette famille, l’obligeant à la regarder et à guérir de l’héritage familial de maltraitance, plutôt que de le repousser en travaillant très dur.

Il est intéressant d’observer qu’alors qu’Anna était réintégrée dans la famille, son grand-père maternel tomba malade du cœur, ce qui n’est pas sans évoquer Aurum. Le père d’Anna hésitait à lui rendre visite, la situation entre eux étant toujours irrésolue. Je suggérai alors que le père d’Anna prit Aurum carbonicum, dans la mesure où sa femme craignait qu’il ne prît la même direction que son père, et finisse lui-même avec des problèmes cardiaques. Il a donc pris le remède et les choses sont lentement et sûrement devenues plus harmonieuses dans la maison. Je ne reçois plus d’emails paniqués, seulement des messages rapportant que tout va bien, (il est d’ailleurs à remarquer que l’ensemble du traitement s’est fait par échange de emails, à la suite de la consultation initiale en personne, car nous vivons désormais de l’autre côté du globe).

Cina fait partie de la famille des Compositae/Asteraceae, tout comme Arnica, Bellis perennis, Calendula et les autres remèdes de traumatismes. Bien souvent, la personne qui a besoin d’un remède de cette famille, compense en devenant dure et indépendante, se battant et ne cédant jamais. La réaction de Cina est la colère, voire même la violence, envers tout ce qu’ils perçoivent comme une intrusion dans leur espace. Jan Scholten place Cina au stade 13 de la famille des Compositae, comme Mercurius, le stade du combat, comme si tout le monde était leur ennemi. Dans son nouveau livre « Wonderful Plants », il écrit au sujet de Cina, que ces personnes ne supportent pas qu’on interfère avec elles ou qu’on prenne le pas sur elles. Elles se sentent facilement violées, par exemple par les médecins, qui décident à leur place, ou par leurs parents, ou leurs professeurs, qui les dirigent. Elles le ressentent comme une menace, un viol, voire même, comme une menace de mort. C’est comme une coup porté à leur intégrité, leur autonomie. Cela les met très en colère. Elles peuvent exprimer cette rage très violemment, mais souvent aussi se retirent en elles-mêmes, ne ressentant que réticence et amertume. Elles peuvent aussi être très cassantes et sarcastiques sur l’état du monde. »

Photos
Happy Halloween; Amisrobot; Flickr
Girls and horse; MTSOfan; Flickr

Catégories: Cas
Mots clés: colères, comportement d'opposition, violence, tourmente, oxyures, dynamiques familiales
Remèdes: Ammonium carbonicum, Cina, Lac equinum

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